Le style roman caractérise une production artistique élaborée en Occident jusqu'à la fin du xiie s., et avant tout une architecture religieuse dont les formes s'établissent de façons diverses dans toute l'Europe, au moment où, vers l'an mille, la chrétienté connaît, après les invasions des Hongrois, des Sarrazins et des Normands au xe s., une ère nouvelle de prospérité.
Très rapidement supplanté par le style « gothique », dans l'Île-de-France et le Nord à partir de la moitié du xiie s., puis dans toute l'Europe occidentale, l'art roman, et plus largement la période médiévale, se voient méprisés par la Renaissance et les siècles classiques. Déprédations, mutilations, démolitions se multiplient comme à Cluny, transformé en carrière de pierres de 1798 à 1823.
La réhabilitation de l’art roman débute au xixe s. mais, bien que l'invention de l'expression art roman remonte au moins à 1818, longtemps encore le nouveau prestige du Moyen Âge se concentre sur le « siècle des cathédrales », donc sur le xiiie s., gothique. Le mythe du progrès aidant, l'art roman ne semble alors être qu’une ébauche – volontiers jugée « gauche et maladroite » ou, au mieux, « naïve » – de ce qui s'épanouira dans le gothique. C'est à partir de 1930 seulement qu'Henri Focillon (1881-1943) entreprend d'étudier l'art roman comme un « style » distinct, valant pour lui-même.
Le style roman
Contexte historique
Historiquement, l'époque romane correspond à la montée du pouvoir capétien. Sacré en 987, Hugues Capet règne sur l'Île-de-France et l'Orléanais. Ses premiers descendants étendront le pouvoir royal aux provinces voisines, tout en mettant lentement en place le système féodal. Après le sombre xe s. s'ouvre une ère de grands défrichements. Avec la progressive stabilisation politique et l'essor démographique, le renouveau économique retentit immédiatement sur l'art, et notamment sur l'architecture. À la suite du fils de Hugues Capet, Robert le Pieux, qui fonde nombre de monastères, on restaure les vieilles églises du haut Moyen Âge, détériorées par les invasions normandes ; bien souvent, on les détruit pour les reconstruire au goût du jour. Les édifices majeurs sont radicalement transformés, les églises de campagne, jusque-là souvent en bois, sont désormais bâties en pierre. Un chroniqueur bourguignon, Raoul Glaber (fin du xe s.-vers 1050), décrit le phénomène : « Comme approchait la troisième année qui suivit l'an mille, on vit dans presque toute la terre, mais surtout en Italie et en Gaule, réédifier les bâtiments des églises; bien que la plupart, fort bien construites, n'en eussent nul besoin, une véritable émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que celle des voisins. On eût dit que le monde lui-même se secouait pour dépouiller sa vétusté et revêtait de toutes parts une blanche robe d'églises. Alors, presque toutes les églises des sièges épiscopaux, les sanctuaires monastiques dédiés aux divers saints, et même les petits oratoires des villages furent reconstruits plus beaux par les fidèles. »
Force est de constater que, en dépit des reconstructions ultérieures, des centaines d'églises romanes sont encore visibles en Europe.