Jusqu’aux explorateurs Jean Du Plan Carpin, Guillaume de Rubrouck, Odéric de Pordenone et surtout Marco Polo (1254-1325), le Moyen Âge se représente le monde animal à travers l’autorité du Physiologus. Dans une société où les déplacements restent limités, on comprend donc pourquoi, jusqu’au XIVe siècle au moins, les hommes du Moyen Âge ne font pas la distinction entre animaux mythiques et exotiques : qui pourrait prétendre que le rhinocéros ou l’éléphant existent, et que la licorne, le griffon ou le phénix sont des animaux imaginaires, alors que personne n’a vu ni les uns, ni les autres (sauf rarissime exception, par exemple lorsque Charlemagne reçoit un éléphant en cadeau du calife Haroun al-Rachid) ?
C’est le souvenir des textes et des œuvres antiques qui pèse sans doute le plus sur les représentations médiévales : les griffons, les sirènes, les centaures, les dragons sont connus depuis la mythologie grecque ; le basilic, à tête de coq et queue de dragon, apparaît dans le psaume 50 de la Bible : image de la débauche et de l’esprit du mal, il tue par son regard tous ceux qui l’approchent.
Parmi les animaux fantastiques que citent la plupart des Bestiaires, on trouve la sirène (Et de la femme elle a les traits jusqu’à la ceinture, et des pieds de faucon, et une queue de poisson – Philippe de Thaon), la serre (un monstre marin qui attaque les navires en étendant ses ailes pour leur couper le vent, avant de se laisser engloutir par les flots), l’hydre (un animal qui, selon le Physiologus, pénètre dans le crocodile pour lui dévorer les entrailles), le dragon, ou encore le phénix, qui renaît de ses cendres.