La conception médiévale de l’amour diffère profondément de la nôtre. Lorsque l’on parle aujourd’hui d’amour, on pense, en principe dans cet ordre, à sexualité, plaisir, sentiment, procréation (éventuellement mariage). Au Moyen Âge, le terme amor signifie passion violente et les clercs condamnent le plaisir lié au corps. Pour l’Eglise, le mariage est avant tout destiné à procréer de nouveaux chrétiens et dans l’aristocratie il n’y a point de mariage d’amour. En effet, il a pour but avant tout d’accroître la richesse des familles et de fournir des héritiers à qui transmettre le patrimoine. C’est seulement dans les classes populaires que des jeunes gens peuvent se rencontrer, s’apprécier et s’unir en tenant compte toutefois de certains critères (un salarié agricole n’épousera pas la fille d’un riche paysan). Ainsi, encore une fois, bien des différences séparent les catégories sociales.
![L'idée de l'amour C410](https://i.servimg.com/u/f33/16/03/21/28/c410.jpg)
Les jeunes amants (XVe s.)
![L'idée de l'amour C510](https://i.servimg.com/u/f33/16/03/21/28/c510.jpg)
La dame décoche une flèche à l’amant (XIVe s.)
![L'idée de l'amour C610](https://i.servimg.com/u/f33/16/03/21/28/c610.jpg)
L’offrande du coeur (XVe s.)
![L'idée de l'amour C710](https://i.servimg.com/u/f33/16/03/21/28/c710.jpg)
Jeux courtois devant un château (XIVe s.)
La femme aimée permet ainsi d’éprouver une joie affinée. Bien que ce soit le désir qui la procure et qu’un aspect sensuel demeure, cette joie existe même si ce désir n’est pas assouvi. C’est pourquoi, parce qu’il relèverait alors d’un devoir, cet amour courtois ne peut exister dans le cadre du mariage et est condamné par l’Eglise. A la fin du Moyen Âge, l’inspiration courtoise qui lie amour et prouesse chevaleresque s’étiole. C’est dans les textes littéraires, à partir du XIIe siècle, que l’on retrouve le mieux l’idée que nos contemporains se font de l’amour. C’est la vue qui déclenche l’amour car le dieu de ce nom atteint le coeur en visant l’oeil. Il convient ensuite de faire sa cour, puis de déclarer sa flamme. A la conversation, lorsque les coeurs s’accordent, succèdent doux baisers et autres caresses. Certains auteurs prétendent que l’amour est né au XIIe siècle et en voient sa première expression dans l’amour courtois (expression récente : il conviendrait plutôt de parler de fin’amor), invention des troubadours, c’est-à-dire de poètes lyriques composant leurs oeuvres en langue d’oc.
![L'idée de l'amour C810](https://i.servimg.com/u/f33/16/03/21/28/c810.jpg)
Statue de Saint Louis et de sa femme Marguerite de Provence (XIIIe s.)
![L'idée de l'amour C1110](https://i.servimg.com/u/f33/16/03/21/28/c1110.jpg)
La luxure (XIVe s.)
![L'idée de l'amour C911](https://i.servimg.com/u/f33/16/03/21/28/c911.jpg)
Le coït, la forge de la nature d’après le Roman de la Rose (XIVe s.)
Dans quelle mesure l’amour imaginé dans les oeuvres littéraires peut-il être vécu ? Chez les aristocrates, la stratégie familiale n’empêche pas l’affection de naître durant l’union. L’amour conjugal se situe à la fois sur le plan des relations sexuelles et sur celui des sentiments ainsi que le manifestent de façon discrète, pour la fin du Moyen Âge, les lettres de rémission ou lettres de grâce. L’amour extraconjugal, parce qu’il n’est pas contraint à la réserve qui doit présider aux rapports entre époux, ou parce qu’illégitime, donne lieu à des sanctions. Sortant de la norme imposée par la société, il apparaît aussi beaucoup plus explicitement dans les textes. C’est ainsi qu’au début du XIIe siècle, la jeune Héloïse s’éprend passionnément du célèbre universitaire Abélard engagé par son oncle pour prendre en charge son éducation. Quant au concubinage ou à l’adultère, il ne peut normalement être fondé que sur la passion.