Au fil des années, les
croisés venus d'Europe s'étaient assimilés à la population locale en épousant des filles arméniennes, grecques ou syriaques, et en donnant naissance à des enfants de culture mixte appelés
«poulains».
Un flux permanent de pèlerins en armes, venus d'Occident par terre et par mer, les aidait à défendre leurs territoires contre les musulmans.
Mais les nouveaux arrivants, impatients d'en découdre avec les infidèles, ne cachaient pas leur mépris pour les croisés de Palestine et les
«poulains». Ils ne comprenaient pas leurs rapports souvent cordiaux avec les voisins turcs ou arabes.
Il est vrai que les États francs de Palestine, coincés entre l'Égypte et la Syrie musulmanes, étaient obligés de ménager l'une et l'autre. En évitant les provocations inutiles et par un jeu subtil d'alliances, les rois qui se succédaient à Jérusalem faisaient en sorte d'empêcher leur union. Pourtant, cette union tant redoutée survient en 1174 sous l'égide d'un chef providentiel, le kurde Saladin (37 ans), en partie à cause de la mésentente entre les croisés.
La même année, le roi de Jérusalem Amaury 1er meurt et c'est son fils qui hérite du trône sous le nom de Baudouin IV. Il est beau, pieux et courageux. Mais il n'a que 13 ans et l'on va découvrir bientôt qu'il est atteint de la lèpre. Le jeune homme préserve le royaume avec courage et grandeur d'âme, se faisant porter au besoin sur le champ de bataille en litière. A plusieurs reprises, la vue de celle-ci suffit à mettre en déroute l'ennemi.
Le
Roi lépreux entretient des rapports d'estime avec son ennemi Saladin qu'il combat par ailleurs avec énergie. En 1177, l'armée de Saladin assiège les croisés à Askalon, un port du sud de la Palestine, puis se dirige vers Jérusalem. Baudouin IV le prend de vitesse et lui inflige une lourde défaite en un lieu dit Montgiscard. Le sultan manque d'y laisser la vie...
Il prend une revanche deux ans plus tard, le 30 août 1179, en s'emparant de la forteresse du Gué de Jacob, sur le cours supérieur du Jourdain, occupée par une importante garnison de Templiers. Sept cents à huit cents hommes, soit la moitié de la garnison, est massacrée ; les autres sont capturés.
Le roi de Jérusalem poursuit la sage politique de son père avec le concours de son conseiller, Raimon III de Tripoli, seigneur de Tibériade, descendant du comte Raimon IV de Toulouse qui commanda la première croisade aux côtés de Godefroi de Bouillon. En prévision de sa mort prochaine, on cherche à remarier sa soeur Sibylle. Cette jeune veuve est la mère d'un nourrisson appelé à succéder à Baudouin sur le trône.
Émancipée comme le sont les princesses et les reines de cette époque, à l'image d'
Aliénor d'Aquitaine, Sibylle choisit sur un coup de tête d'épouser un cadet sans fortune fraîchement débarqué du Poitou. Il a nom Gui (ou Guy) de Lusignan et son seul atout est d'être le plus beau chevalier de son temps. Faible de caractère et lâche par ailleurs.
Quand le 16 mars 1185, le malheureux et digne Baudouin IV rend enfin son âme à Dieu, Raimon de Tripoli et les barons du royaume tentent d'empêcher Gui de Lusignan de prendre le pouvoir.
Mais ils sont bernés par ce dernier, qui s'empare de la régence au nom de Baudouin V, fils de Sibylle, avant de lui succéder sur le trône. Pour sa prise de pouvoir, Gui bénéficie de la complicité intéressée de trois brigands de haut vol :
– Héraclius, patriarche ou évêque de Jérusalem ; fornicateur, cupide, viveur et lâche, indigne représentant de l'Église,
– Gérard de Ridefort, grand-maître de l'Ordre du
Temple, conspirateur qui poursuit d'une haine insatiable Raimon III de Tripoli et n'hésitera pas à trahir son camp pour lui nuire,
– Renaud de Châtillon, prince d'Antioche. Comme Lusignan, ce cadet doit sa bonne fortune à l'héritière de la principauté qui l'a épousé en raison de sa prestance et malgré les tares de son caractère.
Renaud de Châtillon est aussi seigneur d'outre-Jourdain et maître de la puissante forteresse de Kérak, à l'est du Jourdain. Ces possessions lui permettent de contrôler les communications entre l'Égypte et la Syrie musulmanes.
Avide de pillages, il dénonce régulièrement les trêves conclues entre Francs et Turcs pour lancer des
razzias en terre musulmane. Il lance même une expédition maritime dans la mer Rouge en 1183, en vue de piller le sanctuaire de La Mecque ! Ses troupes sont défaites à deux jours seulement de leur objectif.