Le destrier est un cheval de guerre et de tournoi associé aux chevaliers du Moyen Âge en Europe occidentale. Entraîné à porter son cavalier en armure et ses équipements en situation de conflit, rompu à la charge au galop lors de jeux militaires (les joutes et la quintaine), il est le plus coûteux et le plus réputé des chevaux de l'époque. Son utilisation en tournoi remonte peut-être à la fin du XIe siècle. Au combat, il se généralise au milieu du XIIe siècle. Il joue un grand rôle sur les champs de bataille occidentaux jusqu'à l'arrivée de la poudre à canon à la fin du XIVe siècle, dont l'emploi met définitivement fin à la suprématie militaire de la chevalerie au début du XVIe siècle. La pratique des tournois continue jusqu'au début du XVIIe siècle, puis le dressage classique s'impose parmi la noblesse. Les destriers disparaissent des registres, remplacés par des chevaux baroques.
Une controverse existe au sujet de son modèle, certains historiens soutenant encore qu'il s'agissait d'un immense animal au physique de cheval de trait, mesurant jusqu'à 1,80 m au garrot. Les recherches récentes prouvent une taille plus modeste (1,50 m en moyenne) et un physique plus proche du cheval de selle robuste. Des essais de reconstitution sont mis en place depuis 1991, par croisement entre un cheval de selle athlétique et un cheval de trait léger.
Étymologie et terminologie
Le nom français « destrier » provient du mot « dextre », lui-même issu du latin dextra, qui signifie la « droite ». Attesté vers 1100, ce nom provient du fait que l’écuyer devait tenir et diriger son propre cheval ou une bête de somme de la main gauche tout en menant le destrier du chevalier de la main droite quand celui-ci ne le montait pas pour combattre. C’est une règle de la chevalerie évoquée, par exemple, chez Chrétien de Troyes. En Angleterre, le destrier est mentionné pour la première fois sous le nom de magnus equus en 1282.
Il existe d'autres termes pour désigner les chevaux de guerre médiévaux, une difficulté résidant dans l'utilisation de plusieurs mots pour désigner une fonction du cheval, ou inversement. Les noms « destrier » et « coursier » sont utilisés de façon interchangeable, parfois même au sein d'un unique document.
En français, le terme « mosodor », « misaudor » ou « misodour » (dérivé de « mille sous ») désigne le cheval de bataille dans des œuvres littéraires médiévales, par exemple dans certaines versions de la chanson des Quatre fils Aymon et du Roman d'Alexandre. Il s'agirait d'un destrier particulièrement précieux et onéreux. Le cheval militaire anglais est nommé d'après les sources d'époque le Great Horse, soit « grand cheval », en raison de sa taille et de sa réputation.
Histoire
Contrairement à une opinion populaire répandue, le destrier est rare. Il est aussi le plus cher et le plus valorisé des chevaux médiévaux connus, comme le prouvent les registres des péages.
Origine
Les origines du cheval de guerre médiéval sont obscures. Vraisemblablement porteur de sangs barbe et arabe par l'intermédiaire du Genet d'Espagne, animal précurseur du Frison et des Andalous, il a peut-être été influencé par des bêtes d'origine orientale (comme le turkoman d'Iran et d'Anatolie), ramenées des croisades9. Quelle que soit leur origine exacte, les chevaux espagnols sont réputés les plus efficaces et les plus coûteux. En Allemagne, le terme spanjol est utilisé pour décrire les qualités des chevaux de guerre ; toutefois, les sources littéraires en allemand pourraient également désigner des chevaux en provenance de Scandinavie.
Élevage
L'élevage trouve des implantations favorables sous l'impulsion des ordres monastiques, des aristocraties et des nobles. La France produit de bons chevaux de guerre, certains chercheurs attribuant ce succès à la société féodale et à l'influence historique des traditions romaines en matière d'élevage, préservées par les Mérovingiens. Les Carolingiens augmentent leurs effectifs en cavalerie lourde, ce qui aboutit à la saisie de terres (pour la production fourragère), et à un changement dans les tributs prélevés pour financer l’élevage des chevaux de guerre, destinés à être utilisés pour protéger les vassaux.
Utilisation
Le destrier est essentiellement utilisé pour la guerre, et durant des jeux martiaux montés comme la quintaine et la joute équestre dans le cadre des tournois de chevalerie. Il est davantage réputé et admiré pour ses capacités en joute que ses capacités à la guerre, les chevaux rapides de type coursier ayant la préférence15. Le destrier n'étant destiné qu'aux situations de combat, cette association est si forte qu'une loi de Frédéric Ier punit quiconque attaque un chevalier sur un palefroi pour violation de la paix, tandis que celui qui attaque un chevalier sur destrier n'est pas inquiété16. Selon la chanson de geste Le Couronnement de Louis, un bon chevalier de la fin du XIIe siècle se doit de posséder un piquet de plusieurs chevaux définis par leur usage : un destrier, un palefroi (cheval de parade et de promenade), un roncin (cheval à tout faire), une mule ou autre bête de somme. L'écuyer est généralement chargé de soigner et préparer le destrier, non le chevalier lui-même.
Il permet au chevalier qui le monte de se déplacer plus rapidement et de frapper plus efficacement avec davantage d'élan, en dominant les hommes à pied pour une frappe de haut en bas, avec une efficacité accrue.