Dès les Carolingiens, l'ébauche des premiers châteaux-forts va apparaître sous la forme d'un fortin de rondins construit sur une colline aménagée ou artificielle. Ce type de défense est parfaitement adapté aux guerres de razzias, assaut d'une bande quelques cavaliers sans structure militaire réelle.
Cette motte "de l'an Mil" va évoluer en se doublant d'une seconde enceinte basse, de douves et d'une tour d'abri/guet de plus en plus maçonnée. De simple abris-refuge , la motte va devenir capable de soutenir un petit siège mais son matériau de base (bois) va être son point faible (inflammable).
A partir du XII° siècle, la tour maçonnée va devenir le symbole de la puissance du seigneur et, à partir d'elle, on va construire des murs de pierre entourant la cour principale. Un système de tours d'angles va renforcer les défenses et on voit ainsi apparaître la silhouette familière du château féodal.
Plus de 10 000 vestiges de châteaux forts en France témoignent de notre passé médiéval.
Paradoxalement, les châteaux n'ont été qualifiés de "forts" qu'au XIXe siècle : cela allait de soi à l'époque !
Les fonctions du château-fort
Le château-fort cumule plusieurs fonctions :
• c'est un lieu d'affirmation du pouvoir pour le seigneur : il a une fonction ostentatoire car plus plus le bâtiment est imposant et plus il est doté de moyens de défenses exagérés dans leur forme ou leur nombre, plus le seigneur impressionne affirme sa puissance. Il assoit ainsi son rang notamment face aux châtelains voisins ou aux paysans qui en dépendent. La période de foison des châteaux-forts correspond en effet au manque d'affirmation de la puissance publique : le pouvoir est ainsi morcelé aux mains de puissants seigneurs qui défient l'autorité royale,
• c'est un lieu militaire, qui sert à protéger
les biens et les habitants du fief (on verra que c'est cette fonction qui en détermine ses caractéristiques architecturales) : il fait obstacle à l'assaut des combattants adverses,
• c'est un lieu ou s'exerce la justice pour tous les problèmes survenus sur le fief du seigneur,
• c'est un lieu d'habitation, où le seigneur et ses proches résident (cela évoluera par la suite, lorsque le confort sera plus utile que la sécurité !).
Les évolutions dans le temps
• IX et Xe siècle : les seigneurs construisent sur des mottes établies artificiellement ou des collines des tours en bois, avec un ou plusieurs niveaux de palissades et fossés pour en optimiser la défense. Les structures en bois, périssables, n'ont hélas laissé que très peu de traces.
XIe siècle : les constructions en bois trop vulnérables au feu et aux armes de jets de plus en plus puissantes sont délaissées au profits de donjons en pierre, notamment sous l'impulsion des normands et de Foulques Nerra, comte d'Anjou dès la fin du X° siècle. A partir de 1050, on assiste à une "standardisation" des donjons en pierre (souvent appelé donjon normand ou angevin), et au XII°, c'est une quasi généralisation au sein du royaume. Initialement carrés, la forme ronde s'imposera car elle réduit les angles morts.
• Fin du XII et XIIIe siècle : c'est l'époque des forteresses, notamment sous l'impulsion de Philippe Auguste et de Richard Coeur de Lion. En effet, les luttes sont vives entre la Couronne de France et la dynastie Plantagenêt qui tient l'Anjou et règne sur l'Angleterre : de nombreux châteaux deviennent alors l'enjeu de luttes pour reconquérir un territoire.
Ces constructions ne sont pas érigées d'un seul jet : elles sont transformées en fonction de l'évolution de la poliorcétique (art de conduire des sièges) et des évolutions de l'armement, la défense étant fille de l'attaque ! Avec le développement des machines de guerre et des engins de siège naît l'art de la défense, dont les forteresses sont le témoignage.
Les éléments caractéristiques du château-fort
Le grand principe de défense réside dans l'échelonnement des défenses, pour prolonger la résistance si un premier ouvrage cède.
• Les douves (du grec dokhê, récipient) : il s'agit d'un fossé souvent rempli d'eau entourant le château, elle peuvent être profondes de 10m et larges de 20m !
• La muraille ou le rempart qui comporte :
-un chemin de ronde au sommet des murs pour surveiller et défendre activement le château,
-des créneaux (du latin crena, entaille) et des merlons (partie pleine entre deux créneaux) pour aider le défenseur à se protéger,
- des archères ou meurtières : ouvertures longues et étroites dans un mur pour tirer à l'arc ou à l'arbalète,
- des constructions en surplomb des remparts pour jeter verticalement du haut des murailles (ou du donjon) des projectiles ou eau bouillante : les hourds (en bois) ou les mâchicoulis (en pierre), - des tours pour assurer le flanquement des murailles ou des échauguettes, guérites placées en surplomb du mur.
• Une entrée composée d'un pont-levis au dessus des douves dont le tablier se relève pour fermer l'accès au château, d'une herse (grille de fer coulissant de haut en bas), d'un assommoir qui est une ouverture permettant de jeter des projectiles verticalement. La porte étant l'un des endroits les plus fragiles des châteaux, une barbacane, ouvrage fortifié avancé, servait parfois à la défendre.
• Une basse-cour : il s'agit de la cour intérieure du château protégée par les murailles,
• Le donjon (du latin dominus, tour du seigneur) : il s'agit de la tour maîtresse d'un château fort médiéval, et initialement demeure du seigneur. L'épaisseur de leurs murs et leur hauteur en faisant de très bons lieux de retraite. Leur siège pouvait être long jusqu'à ce que les assiégeants lèvent le camp ou que les assiégés affamés ne se rendent. On retrouve certains aménagements décrits pour les remparts (hourds ou mâchicoulis, archères, créneaux, échauguettes, ...).
Remarques : les oubliettes, souvent présentées comme des cachots souterrains dans lesquels les prisonniers étaient "oubliés" jusqu'à leur mort sont la plupart du temps des légendes. Ces cachots étaient en fait des lieux ou la nourriture était stockée.
Les châteaux forts aujourd'hui
Les châteaux forts que l'on voit aujourd'hui, vieux parfois de près de 1000 ans, sont :
• soit des ruines : "Dramatiques comme des squelettes, les ruines ont une majesté sobre, une grandeur dépouillée : elles sont l'histoire figée dans la pierre".
• soit démolis : comme le Louvre, dont les fossés, les fondations et la base du donjon du château fort ont été découverts suite à des travaux récents de restauration de la Cour Carrée (lors de la visite, on peut désormais circuler dans les fossés de la forteresse médiévale, contourner la base du donjon et longer les fossés construits sous Charles V),
• soit modifié au fil des ans pour s'adapter aux nouvelles armes d'attaques, et n'ont donc plus la configuration médiévale.
Exemples de châteaux forts :
Ces châteaux sont des pièces maîtresses de la rivalité franco-anglaise : objet d'une lutte acharnée, ils passent fréquemment d'un camp à l'autre ! (Guerre de Cent Ans)
La forteresse est construite en un an entre 1197 et 1198 par Richard Coeur de Lion afin de protéger le duché de Normandie. Philippe Auguste l'assiège en 1204 et sa victoire lui permet de reprendre le contrôle de la Normandie.
Autre château destiné à défendre la frontière entre le duché de Normandie et le royaume des capétiens !
Château de Chinon
Célèbre car ayant abrité les templiers emprisonnés et ayant été le lieu de rencontre entre le roi Charles VII et
Jeanne d'Arc, ce château positionné sur un éperon rocheux et dominant la Vienne sur ses 500m de longueur est impressionnant !
Château de Loches
Impressionnant avec son donjon de près de 40m de hauteur qui en fait l'un des plus hauts donjons encore en place, les ruines sont situées sur un long éperon rocheux qui domine l'Indre et toute la région alentour.
Château de Lavardin
Magnifique ruine avec un donjon qui date des XIe et XIIe siècles
Château médiéval du Louvres (à l'origine du musée actuel)
La forteresse initiale est édifiée par le roi Philippe-Auguste à la fin du XIIe siècle : elle comprend alors de nombreuses tours au milieu desquelles s'élève un donjon. |