la naissance de la société féodale autour des années 1020
Depuis la fin du Xème siècle, un ordre seigneurial s’est en effet imposé dans les sociétés occidentales. Organisé autour des seigneuries châtelaines, il permet l’émergence progressive de la féodalité, de la chevalerie et d’une nouvelle noblesse qui devient rapidement une caste.
La paysannerie trouve alors engagée dans de nouveaux rapports de dépendances très contraignants.
Quant à l’Eglise chrétienne, elle occupe, tout au long du Moyen Age, une place centrale dans la société Autour de l’an Mil, et surtout à partir du milieu du XIe siècle, elle connaît une période* *de réforme et de renouveau qui la conduit à prendre la tête d’une vaste offensive visant à étendre la chrétienté aux dépens des peuples non chrétiens (croisades), et à s’affirmer dans le monde occidental, sur les plans politique, idéologique, social, économique, mais aussi culturel et artistique (diffusion de l’art roman puis de l’art gothique) en Europe.
L’ordre des seigneurs
►Les seigneurs appartiennent à des lignages (familles) privilégiés : ils constituent rapidement une caste fermée, la nouvelle noblesse.
Ce qui les caractérise avant tout, c’est leur fonction guerrière : ce sont des chevaliers
L’entrée dans la chevalerie,rapidement réservée aux jeunes issus des lignages nobles, est marquée par une cérémonie, qui prend un caractère religieux, l’adoubement.
Cette militarisation explique la violence qui préside à la naissance de l’ordre seigneurial.
Pour canaliser cette violence, l’Eglise impose des moments de paix, lance le mouvement des croisades, et favorise l’émergence d’une idéologie chevaleresque, portée par les romans courtois (ex. ceux de Chrétien de Troyes) et
reposant sur la défense de valeurs chrétiennes : le courage, la générosité, la fidélité, la défense des faibles.
►Progressivement des relations contractuelles s’établissent entre les seigneurs, garantes de la paix : les relations féodales. Des seigneurs s’engagent par contrat lors d’une cérémonie publique, l’hommage, se jurant fidélité, aide et conseil. Dans cet échange, l’un des seigneur, le vassal, reçoit, de la part de son suzerain, un fief, souvent une seigneurie, qui est chargée de pourvoir à son entretien (chaque vassal tient donc une terre d’un seigneur, terre qui peut être confisquée en cas de trahison).
Ces fiefs sont héréditaires. C’est ainsi que se construit progressivement une pyramide féodale de fidélités dans laquelle un seigneur peut être à la fois suzerain et vassal, pyramide au sommet de laquelle se place le roi de France (qui ne peut être le vassal de personne).
Ensuite, se trouvent les grands princes, ducs et comtes, installés dans de grandes régions et contrôlant plusieurs comtés.
En dessous on trouve les sires châtelains, plus ou puissants, contrôlant un ou plusieurs châteaux.
A la base, on trouve les chevaliers qui ne possèdent pas de châteaux.
►Le château est le symbole du nouvel ordre seigneurial, mais aussi de sa domination et de son emprise sur la société. A la fois forteresse militaire (enceinte, donjon, motte, fossé), centre des pouvoirs du seigneur qui s’exercent sur tous ceux qui vivent dans et autour du château, il symbolise aussi l’enracinement du lignage dans un espace.
Le mode de vie aristocratique s’organise autour de deux activités essentielles : la chasse et le tournoi. Les premiers tournois apparaissent dans les années 1120 et se présentent d’abord comme un exercice militaire se substituant à la bataille dans un champ très vaste (sorte de défouloir général). Peu à peu ils évoluent pour devenir des lieux de représentation de la noblesse où l’on s’affronte individuellement pour montrer se bravoure.
Les paysans : ceux qui travaillent
Parmi ceux qui travaillent, près de 95% sont des ruraux La conjoncture est favorable : du XIe siècle au XIIIe siècle, le monde occidental connaît une période de croissance économique qui affecte à la fois les campagnes et les villes. Elle se manifeste d’abord par des progrès techniques qui améliorent les productions agricoles et expliquent la croissance démographique.
► Les paysans
Les paysans vivent dans le cadre de seigneuries rurales et sont sous l’autorité des seigneurs. La présence d’un prêtre au village, exceptionnelle au Haut Moyen Age, devient la norme à partir du XIe siècle. C’est ainsi que la sociabilité se structure autour de la vie paroissiale : l’assistance à la messe dominicale, le rythme journalier, saisonnier, les fêtes…
Une hiérarchisation sociale se développe dans les campagnes. distinctions en fonction de la richesse. Parmi ces derniers, les « laboureurs », paysans qui possèdent une charrue et un attelage, font figure de privilégiés.
Au bas de l’échelle sociale, on trouve les pauvres, qui n’ont pu profiter de la croissance, exploitent de petites tenures, et sont endettés. Certains deviennent manouvriers, d’autres se marginalisent et s’expatrient. Entre les deux, un groupe majoritaire de paysans moyens jouit d’une relative aisance en profitant de la croissance, mais dont la situation reste fragile car conditionnée à la conjoncture.
►Le monde des villes :
L’élite urbaine est constituée par le haut clergé (évêque et ses adjoints), la noblesse locale et surtout le patriciat (les familles enrichies par le commerce et qui contrôlent la commune).
Les « classes moyennes » comprennent essentiellement les maîtres artisans et les commerçants. Ces derniers ont profité de l’essor des villes à partir du XIIe siècle.
Les « classes pauvres » sont constituées de plusieurs groupes, notamment les apprentis et compagnons, les domestiques.
Les exclus, mendiants, infirmes, rassemblent tous les individus dont l’activité n’est pas reconnue comme légitime. Les exclus sont taxés d’immoralité, d’oisiveté, et sont marginalisés.
La situation des juifs s’est dégradée dans les villes à l’époque féodale. La propriété foncière et l’accès au métier des armes leur sont interdits. En 1215, un concile leur impose le port d’un signe distinctif sur leur vêtement, la rouelle. Les épidémies et croisades s’accompagnent également de massacres collectifs de juifs. Ils tentent néanmoins de se spécialiser dans le commerce ou dans le prêt à intérêt, théoriquement interdit aux chrétiens.
Des paysans dépendants et dominés
Le cadre de la domination des seigneurs sur la paysannerie : la seigneurie
Le seigneur dispose du droit de commandement (droit de ban) sur la population dans sa seigneurie. Il peut imposer des corvées aux paysans pour construire et entretenir les fortifications. Il exerce le droit de justice et perçoit des impôts indirects (notamment les péages). Il peut construire des installations collectives et obliger les paysans à les utiliser
contre une redevance : le four banal, le moulin banal, le pressoir. Il peut prélever un impôt pour financer la défense du territoire. Le seigneur est également propriétaire de toutes les terres de sa seigneurie. Les paysans, installés sur les terres (tenures),ne sont pas des propriétaires mais des tenanciers, et doivent donc payer au seigneur un loyer, sous la forme d’un certain nombre de redevances en travail (corvées), en nature (champart) ou en argent (cens), des droits de succession (la mainmorte).
Cependant, certaines terres paysannes échappent totalement au régime de la seigneurie : ce sont des alleux, possédés en pleine propriété par les paysans.
►Les paysans sont soit des serfs (statut juridique le plus répandu) soit des hommes libres. Le serf « appartient » au maître : sa vie familiale, ses déplacements, ses capacités à léguer et à hériter sont limités. Il est attaché à la terre qu’il cultive. A ce titre, le serf doit verser d’autres taxes, comme, le chevage, signe de reconnaissance de servitude montrant qu’il n’est pas un homme libre. En échange, le seigneur doit protéger ses serfs. Cependant, contrairement aux
esclaves antiques, le mariage des serfs est reconnu (mais doivent payer une taxe) par la loi et ses biens personnels ne peuvent lui être confisqués. Par ailleurs, il peut acheter un acte de franchise pour se libérer.
Les tensions entre paysans et seigneurs
►Les points de friction entre le seigneur et ses paysans sont nombreux. Ils concernent le caractère arbitraire de la plupart des droits prélevés, la justice seigneuriale souvent partiale, le respect des droits de la communauté (notamment sur les communaux), les corvées. Une certaine forme de haine des seigneurs se développe. Elle se traduit, malgré le peu de sources dont nous disposons, par l’existence de révoltes.
►Durant les deux derniers siècles du Moyen Age, on assiste à une multiplication des révoltes paysannes, mouvements violents qui affectent les campagnes. Ces mouvements, appelés, Jacqueries, affectent plusieurs régions en France, par exemple le Beauvaisis et l’Ile-de-France en 1358, au début de la guerre de Cent Ans. Les Jacques massacrent des familles nobles, incendient des châteaux, avant d’être exterminés.
Le rôle de l’Eglise dans la société
►Depuis le Ve siècle après J.-C., l’Eglise s’organise autour d’un clergé, constitué d’un clergé régulier et d’un clergé séculier, l’ensemble étant sous l’autorité du pape. Le premier est composé de clercs vivant « dans le siècle », c’est-à-dire au milieu des fidèles. Leur rôle est de transmettre la foi, de célébrer la messe et les sacrements (comme le baptême, la communion et le mariage.
Quant au second clergé, dit régulier, il se compose des moines qui, sous l’autorité de leur abbé, obéissent à une règle de vie commune. Ils se consacrent à la prière dans des monastères, aussi appelés abbayes. La règle la plus suivie est celle de saint Benoît, écrite au VIe siècle. Les moines qui la suivent sont appelés Bénédictins.
►Depuis 476, le monde chrétien est partagé en deux sphères d’influence. L’Europe occidentale, l’ancien empire romain d’occident, est sous l’influence de Rome et du pape,qui rêve de refaire l’unité du monde occidental autour de Rome. Cet espace se définit ainsi par son appartenance au monde latin catholique. Quant à la deuxième sphère d’influence, elle correspond à l’Empire romain d’Orient, devenu l’Empire byzantin, qui s’oppose à la domination du pape et de Rome, et qui se définit par son appartenance au monde grec.
Le conflit spirituel entre les deux espaces conduit au schisme de 1054. Deux Eglises rivales s’installent, l’Eglise catholique dans l’Occident chrétien latin, autour de Rome et sous l’autorité du pape, et l’Eglise orthodoxe, dans l’Empire byzantin.
►Depuis la fin du Xe siècle, parallèlement à la mise en place de la société féodale, l’Eglise romaine connaît une période de renouveau sous l’autorité des papes : ce renouveau touche à la fois le clergé séculier (prêtres, évêques) et le clergé régulier (moines). Il fait suite à une période de désordre et de dissolution des moeurs (le clergé ne respecte plus les commandements de l’Eglise, ni la règle bénédictine).
-Le renouveau monastique se caractérise par la fondation de nouveaux ordres monastiques qui rétablissent le respect de la règle dans les monastères Des centaines de monastères sont construits dans toute l’Europe.
D’autres ordres sont fondés à la fin du XIe siècle.
Les croisades sont également l’occasion de voir apparaître des ordres monastiques militaires, composés de moines-soldats, comme celui des Templiers qui participe aux combats en Palestine.
-Le renouveau de l’Eglise séculière se fait sous l’autorité du pape, notamment le pape Grégoire VII (1073 à 1085). Le pape impose un retour aux bonnes moeurs dans le clergé.
Ce triomphe de l’Eglise se manifeste par les nombreux édifices que les évêques font construire dans les villes, à la gloire de l’Eglise.
►A partir du XIe siècle, l’Eglise latine encourage l’expansion de la chrétienté et en prend la tête C’est ainsi que plusieurs croisades sont lancées, parfois par le pape lui-même.
Cette relance du mouvement d’évangélisation et de conquêtes touche :
-le nord de l’Europe (Scandinavie et Pays Baltes), où les populations sont encore païennes.
-l’Espagne, avec le mouvement de la Reconquista, à partir du début du XIe siècle, croisade destinée à reprendre les territoires occupés par les musulmans depuis la conquête du VIIIe siècle.
-la Palestine et le Proche-Orient, conquis au VIIe siècle par les musulmans, où se trouvent les lieux saints du christianisme. En 1095, le pape lance une première croisade pour reprendre la terre sainte.
L’Eglise exerce un pouvoir politique.
L’Eglise et le pape considèrent qu’ils ont autorité sur les souverains. Certains membres du clergé peuvent d’ailleurs jouer un rôle de conseillers auprès du souverain. Elle impose ainsi des moments de paix que tous doivent respecter, « la paix de Dieu » (interdiction faite aux chevaliers d’attaquer les personnes sans défense et leurs biens) et « la trêve de Dieu » (principe qui interdit aux chevaliers de se battre certains jours, Elle développe parallèlement un idéal chevaleresque (le chevalier au service de Dieu, et du plus faible) et détourne l’agressivité des chevaliers vers des finalités nobles : la reconquête des lieux saints, les croisades. L’intervention de l’Eglise dans les affaires des royaumes et sa volonté d’imposer son contrôle sur les souverains et la nomination des évêques provoquent de nombreux conflits. Si le pape dispose d’une arme, l’excommunication, il échoue néanmoins dans son entreprise devant la montée en puissance des rois. Ainsi, en France, dans la querelle qui l’oppose au roi Philippe le Bel au début du XIVe siècle, le pape est-il humilié, face à un roi s’affirmant « empereur en
son royaume ». Philippe le Bel fait même élire un pape français qui s’installe à Avignon.
L’Eglise encadre la société
►L’Eglise accomplit une oeuvre d’assistance aux pauvres, aux malades et aux orphelins. Elle fonde des hôpitaux, appelés Hôtels-Dieu, L’Eglise prend en charge l’enseignement. Les écoles sont entre les mains du clergé. Elles
lui permettent de catéchiser le peuple et d’imposer ses principes et son modèle de vie.
Les Universités sont également sous l’autorité du pape. Les enseignants sont des clercs et les facultés de théologie sont les plus importantes. C’est donc l’ensemble de la vie intellectuelle qui est dominée par les clercs (le latin est la langue des études).
►Par ailleurs, l’Eglise encadre la vie des hommes au quotidien. L’Eglise intervient de plus en plus dans la vie des fidèles sur le plan moral, par exemple en imposant des règles strictes pour le mariage (qui devient un sacrement)
Le temps est un temps religieux, liturgique, ponctué par les offices, les fêtes, les cérémonies, le carême. C’est qu’il s’agit, pour les chrétiens, d’assurer leur salut après la mort. Aussi n’hésitent-ils pas à partir en pèlerinage (par exemple à Saint Jacques de Compostelle, à Rome, et à Jérusalem) sur les lieux de culte qui abritent les reliques des saints ou leurs tombeaux.
►L’Eglise s’attaque également aux hérétiques et aux juifs. A partir du XIIIe siècle, les juifs sont persécutés. On les oblige à se regrouper et à porter des insignes qui les distinguent des chrétiens (voir l’ordonnance de Louis IX, en 1269). Le pape envoie également des chevaliers combattre l’hérésie cathare dans le sud-ouest de la France au début du XIIIe siècle. De plus, il crée des tribunaux pour juger les hérétiques (Inquisition).
►L’Eglise joue un rôle économique. Les très nombreuses donations l’enrichissent. Elle possède un domaine foncier considérable, qu’elle exploite, participant ainsi au renouveau agricole du XIIe siècle.
L’Eglise favorise la diffusion de l’art nouveau par ses nombreuses constructions d’abbayes et de cathédrales.
L’art roman
La diffusion de l’art roman (à partir de l’an 1000) puis de l’art gothique (à partir du XIIe) doit beaucoup aux commandes de l’Eglise. Abbayes et cathédrales sont construites en grand nombre pour exalter sa puissance. L’art roman est d’abord un art religieux, qui se manifeste essentiellement dans la construction d’abbayes et de monastères, montrant ainsi le dynamisme des ordres religieux. C’est d’abord dans le sud de l’Europe (Italie du nord, nord de l’Espagne, sud de la France) que sont mises au point progressivement les nouvelles techniques qui permettent l’édification des
cathédrales et surtout des monastères romans. L’objectif des architectes est d’abord de remplacer la charpente de bois, propice aux incendies, par la voûte en pierre. La forme de la voûte est le plus souvent en berceau (avec des arcs en plein cintre, c’est-à-dire en demi-cercle). L’autre caractéristique majeure de l’art roman est la présence de très nombreuses sculptures, notamment sur le tympan (au-dessus du portail), sur lequel est souvent représenté le jugement dernier
L’art gothique
Le mot « gothique » est utilisé par les architectes de la Renaissance italienne qui, par mépris, rejettent l’art des cathédrales gothiques, assimilé à un art barbare (celui des goths), au nom d’un retour la pureté de l’architecture grecque et romaine classique. voit le jour en France, en Ile-de-France, au milieu du XIIe siècle avec
la *construction du choeur* de la basilique de Saint-Denis, à l’initiative de Suger, principal conseiller du roi capétien. Très rapidement, cet art nouveau se diffuse dans tout le royaume et dans toute l’Europe chrétienne. chantiers de construction s’ouvrent, davantage dans la moitié nord de la France, notamment en Picardie et en Ile-de-France. Le XIVe siècle marque le ralentissement des chantiers en France (difficultés économiques, guerre de Cent Ans). Se développe alors le gothique flamboyant. L’art gothique est très étroitement lié au dynamisme des villes et des échanges, par opposition à l’art roman, qui est plutôt un art rural.
Les édifices gothiques se différencient de l’art roman par l’utilisation d’une nouvelle voûte en croisée d’ogives,
La sculpture gothique, comme la sculpture romane, joue un rôle très important dans les édifices religieux. Sont concernées les façades des cathédrales : portails, galeries, qui reçoivent des statues, parfois dites « statues-colonnes ».